Alain Goirand
Jadis
Jadis ou les Vieilles Rues
Murées dans un profond silence derrière les volets clos de ces façades qui n’en finissent pas d’agoniser, ces boutiques, échoppes et ateliers… sont comme une souvenance d’un Jadis perdu.
Rongées par une lèpre insidieuse, il émane d’elles une singulière beauté.
Il suffit de fermer un instant les yeux pour retrouver le bruissement du souffle d’une vie révolue.
Les vieilles rues
Que vous disent les vieilles rues
Des vieilles cités ?
Parmi les poussières accrues
De leurs vétustés,
Rêvant de choses disparues,
Que vous disent les vieilles rues ?
« Alors que vous y marchez tard
Pour leur rendre hommage :
De plus d’une âme de vieillard
Nous sommes l’image. »
Disent-elles dans le brouillard,
Alors que vous y marchez tard.
….
Voilà ce que dans les cités
Maintes vieilles rues
Disent parmi les vétustés
Des choses accrues
Parmi vos gloires disparues,
Ô mornes et mortes cités !
Emile Nelligan 1879 -1941
Alain Goirand
La part de l'Ange
Cette série inspirée de la nouvelle "Oublier Emma" de Françoise Houdard veut traiter de l’abandon.
La Part de l'Ange.
« N'oubliez jamais que les poupées ne sont pas des choses mortes.
Elles passent d'une vie à l'autre,
d'un temps à l'autre,
d'un mystère à l'autre.
L'ombre qu'elles projettent vient du dedans.
C'est une projection du terrible.
Aucune poupée n'est innocente, on devine la violence emprisonnée dans la camisole de porcelaine, les cris muets percutant les parois de leur bouche fermée, les simulacres de rires, de pleurs, la terrifiante fixité des traits.
Qui peut prétendre que ces êtres n'entassent pas les vies de ceux qui les possèdent dans leur abyssale mémoire ?
Reliquaires de vies d'hommes.
Qui peut dire avec certitude que les poupées ne sont que des objets sans autre existence que celle que les hommes leur prêtent et leur reprennent ?
Comment ne pas croire qu'elles sont cette part de nous-mêmes qui ne consent ni à vieillir ni à mourir ?
Cette part fossilisée de nous-mêmes.
La Part de l'Ange.
La prise de vue, moment important, n'est pour Alain Goirand qu'une étape.
D'interminables débats opposent les tenants de l'image brute à ceux, dont je suis, qui retravaillent largement leurs images.
Au sortir d'une session de prise de vue il n'ouvre que rarement les rushs....
A l'immédiateté offerte par le numérique, il préfère retrouver ce temps discontinu qui prévaut à l'argentique.
Le développement du film
L'examen de la planche contact.
Le moment où sous l'agrandisseur l'image s'impose, où le tireur dans un savant ballet des mains sculpte la lumière....
Tous ces temps sont une redécouverte de l'image qui se réinvente sans cesse.
D'avantage qu'une réalité faussée, dans ses photos il cherche à traduire l'impression, la sensation parfois même fantasmée, du moment.
Ainsi la gageure est d'essayer de partager cette même émotion avec le regardeur qui prendra le temps de s’arrêter.